Karine Debouzie

Karine Debouzie

Mon travail s’intéresse à des paradoxes relationnels et perceptifs. En général abstrait, il prend corps en interrogeant notre lien aux vivants, aux désirs, aux relations entre micro et macro, visible et invisible, aux flux et mouvements, aux limites, que j’évoque notamment par le biais d’anomalies visuelles.

Née en 1975 à La Fère (Aisne), je vis actuellement à Avignon et je travaille en France et à l’international. Mes premières recherches photographiques à l’Ecole nationale supérieure de la Photographie d’Arles ont été orientées par mon mémoire de maîtrise de Lettres modernes. En interrogeant l’œuvre de Georges Bataille et son rapport à l’image photographique, mes travaux photographiques se sont développés autour de notre corporalité, ainsi que des notions d’informe et de désacralisation. Mes photographies sont vite devenues des installations. Il s’agissait alors, et c’est toujours le cas, d’interroger nos modes d’existence, notre être-là, l’inscription de nos corps dans l’espace et les relations en jeu avec ce qui nous entoure, vivant comme inerte. Le dialogue entre volumes et espaces est vite devenu prépondérant et j’ai commencé à expérimenter des matériaux pour construire moi-même des volumes et des dispositifs évoquant l’organique notamment avec du latex, de la résine d’inclusion et aussi avec des matières issus du champ médical. Les matériaux mous et légers m’ont permis de m’affranchir du socle et d’envisager mes installations en suspension et en mouvement. Après des expositions en galeries de 2000 à 2008 entre Marseille, Nîmes et Castelnau-Le-Lez, l’expérience d’une toute première exposition dans l’espace public à Vence en 2009 m’a permis d’envisager d’autres matériaux issus du secteur de la PLV (publicité sur le lieu de vente) et du bâtiment. À partir de ce moment-là, le détournement de matériaux a fait partie de mon vocabulaire plastique et j’ai pu envisager des propositions de création in situ à échelle de lieux urbains ou naturels, essentiellement par le dessin de lignes dans l’espace connectées les unes aux autres et au lieu. Le détournement de matériaux vient interroger des aspects fondamentaux de notre relation à ce qui nous entoure et me permet de rendre visible ce qui est trivial : des mammographies sur bâches publicitaires dans l’espace public, des tuyaux et gaines en matériau de sculpture…
Les photographies sont envisagées comme des images de constats d’œuvres éphémères mais commencent aussi, en 2011, à venir documenter mes gestes de travail avec l’ajout de la vidéo. À partir de 2012, j’expérimente le drain agricole pour une scénographie de pièce de théâtre et il deviendra mon matériau privilégié pour dialoguer avec les architectures patrimoniales, l’espace public urbain comme naturel, en création in situ. Je l’ai expérimenté, mis en forme, rendu inutilisable dans son usage premier (ainsi que d’autres matériaux comme le PVC et le polyuréthane) pour développer des formes organiques et leur redonner vie en quelque sorte. Ainsi, je parle de la volonté des humain.e.s à s’adapter, à imiter leur milieu et à le détruire. Ces créations m’ont permis de me déplacer en France comme à l’étranger (Liban, Belgique, Italie et Japon) en faisant évoluer l’élaboration des pièces qui sont toujours conçues par des outils numériques. Tous ces dialogues en fonction de l’appréhensions de l’espace, de la culture et de l’histoire du lieu ont considérablement nourri les formes que je propose et ma relation à l’espace et à ses limites dont je tente de m’affranchir. Les dessins et les vidéos me permettrent de garder des traces de mes gestes. J’utilise aussi des dessins vectoriels issus de contour de volumes, qui sont des interrogations sur la ligne et dorénavant sur la cartographie. Avec le médium vidéo, c’est l’inscription d’un corps dans l’être et dans le faire que je continue à questionner.

Karine Debouzie