Désir de lignes… (extraits)

Mar 1, 2022

Invitée ce printemps pour une carte blanche, Karine Debouzie s’empare du Pavillon de Vendôme, joyaux d’architecture dans un écrin de verdure, lieu emblématique de la Ville d’Aix-en-Provence. La façade, le musée, le bassin vont sous les lignes tracées par l’artiste, nous dévoiler un autre espace, un dedans-dehors, un trait d’union entre l’extérieur et l’intérieur, et jouer du visible et de l’invisible. (…)
L’histoire du Pavillon de Vendôme est ancrée matériellement et physiquement dans des notions de passages et de traversées, de circulation et de blocage.Lors de sa construction au milieu du XVIIème siècle par Louis de Mercoeur, Duc de Vendôme, le Pavillon se situait à l’extérieur des remparts de la ville, cerné par ses murs d’enceinte en pleine campagne, une parcelle rectiligne bien délimitée, s’inscrivant dans une trame moins régulière. Karine Debouzie s’est confrontée à cette architecture et à son ancrage dans la ville. Plan urbain qu’elle s’est réapproprié et à partir duquel elle a relié par un tracé jaune de quatre kilomètres tous les lieux participant à la Biennale d’Art et de Culture#1, une 5ème saison, créant ses « Chemins de désir ». Par ce geste artistique dans l’espace public elle a connecté le Pavillon de Vendôme dans la topographie de la ville, les réunissant à la fois symboliquement, mais surtout par l’acte physique des piétons qui se prêtent à la déambulation. (…)
Le travail de Karine Debouzie est à la fois antonyme et antinomique, tout en fluidité et en tension, en souplesse et en contrainte, en légèreté et en force, en fragilité et en solidité… Elle joue des matériaux utilisés et de leur mise en œuvre, acier de force / dentelle ; dessin / sculpture monumentale ; détail / entité ; micro / macro.
Dans la pratique de l’artiste le rapport physique à l’œuvre,à la matière est omniprésent et prépondérant. Ses gestes, son corps, son implication physique dans chacune de ses réalisations, dans l’acte de créer, de réaliser, de porter, de couper, de percer, de visser, de monter, de suspendre, de mettre en œuvre, sont sans aucune concession.(…)
Ce rapport au corps et à l’espace est aussi primordial pour le spectateur qui se confronte directement aux œuvres. Par son déplacement, son cheminement, autour ou à travers, va se retrouver perpétuellement dans un jeu de réseau, de démultiplication, de stabilité ou de basculement. Le point de vue est essentiel dans l’approche et l’appréhension des dessins dans l’espace, qui par les jeux d’ombres et de transparence nous place dans un espace autre, jouant parfois des anamorphoses. (…)
Il y a les lignes de force, de crête, d’arrivée, de touche, de fond, d’horizon, de faille, de cœur et de vie… chaque ligne nous lie, nous relie, que son tracé soit continu, allongé, segmenté, brisé, réel ou imaginaire. Les lignes de Karine Debouzie sont tout cela à la fois, elle nous invitent à les suivre vers un ailleurs,vers l’autre, vers soi-même, par ces tracés qui se transforment, en allée, en passage, en chemin, en sentier, en traverse, en circuit, en parcours, pour trouver sa voie…

Christel PELISSIER-ROY
Commissaire de l’exposition “Lignes de désir”, Responsable du Musée du Pavillon de Vendôme et Coordinatrice des Musées
Mars 2022, Aix-en-Provence